Nouvelle écrite dans le cadre d’un jeu littéraire ayant pour thème les arcanes majeurs du tarot de Marseille.

Le Musée de l’Arcane XV


— Je vous le dis tout de suite, votre candidature nous intéresse. Ce qu’il faut pour ce poste, ce ne sont pas des diplômes ou de l’expérience, c’est une tête qui tient sur les épaules.

Je ne m’étais pas attendu à une telle entrée en matière. L’homme me regardait avec insistance, il attendait manifestement que je réponde quelque chose.

— Tout à fait, tentai-je, je suis quelqu’un de très stable, qui sait garder son sang-froid en toutes circonstances…

— Pas d’angoisses ? me coupa l’employeur.

— Du tout, j’ai une force de caractère qui…

— Parfait ! Vous êtes disponible quand ?

Il s’agissait de mon dixième entretien d’embauche en six mois. Aucun n’avait ressemblé à celui-ci. Je m’étais assis en face du directeur départemental des affaires culturelles moins d’une minute auparavant, et il paraissait déjà conclure l’entrevue.

— Dès que vous le souhaitez, dis-je, désarçonné.

Une mince liasse de feuilles imprimées s’abattit sous mon nez. Je me retrouvai avec un stylo dans la main droite, certain de ne jamais l’avoir saisi.

— Votre contrat ! Signez, mon bon !

— Je… Je suis gaucher, balbutiai-je.

L’homme leva un sourcil et me scruta avec attention.

— Êtes-vous sûr d’être bien solide ?

Son ton suspicieux me rappela à l’ordre. Je redressai mon buste, changeai le stylo de main et le serrai fermement. Il me fallait un emploi, n’importe lequel. Il me fallait un salaire. Je ne devais pas rater celui-ci.

L’encre se répandit en boucles décidées. Je signai.

— Vous commencez ce soir, à 19h25. Ne soyez pas en retard.

 

Ainsi fus-je embauché comme gardien de nuit au Musée de l’Arcane XV. Pour tout dire, je n’avais jamais entendu parler de ce lieu avant de répondre à l’offre d’emploi, et je n’avais pas la moindre idée de ce qu’il renfermait. Le peu de renseignements trouvés sur internet m’avait seulement appris le nom du conservateur et l’adresse exacte. L’entretien d’embauche s’était fait du jour au lendemain, ne me laissant pas le temps d’aller visiter l’endroit. Je m’y étais rendu sans grand espoir, et j’en étais ressorti contrat en mains, sans avoir osé poser la moindre question au directeur de peur qu’il ne revienne sur sa décision.

 

Le soir, peu avant l’heure prévue, j’empruntai le passage de la Fortune puis tournai dans la ruelle de l’Impératrice. Le ciel était dégagé, mais le vent tempêtait comme avant un orage. Des bouteilles en plastiques abandonnées par leurs propriétaires dévalaient le bitume, des feuilles mortes dansaient et matérialisaient ainsi de petits tourbillons. Mon attention se concentra sur les numéros des immeubles réduisant comme je m’approchais de l’adresse. Enfin, je découvris la façade du musée : avec stupeur. Un mur de brique rouge, assez bas, percé d’une porte minuscule et dépourvu de fenêtre, surmonté d’un toit d’ardoise noire. Cette maisonnette à l’allure étrange jurait furieusement avec les immeubles modernes qui l’entouraient, hauts damiers verticaux de vitres réfléchissantes.

Je frappai timidement, on m’ouvrit et une main se tendit pour serrer la mienne.

— Gustave Erne, se présenta le conservateur dont je reconnus le nom.

— Dimitri Liofe.

Sa poignée de main eut pour curieux effet de m’entraîner à l’intérieur – et je dus baisser la tête pour ne pas m’assommer contre l’encadrement de la porte – tout en le faisant sortir, lui. Il se retrouva à ma place sur le perron.

— À demain matin, me lança-t-il en s’éloignant.

 

La tête me tourna quelque peu. Me retrouvais-je déjà seul, sans aucune explication ?

— Attendez ! criai-je.

Mais Gustave ne se retourna pas. Le bruit du vent avait couvert ma voix ou peut-être le bonhomme m’avait-il ignoré délibérément. Je claquai la porte en fulminant. Pourquoi me sentais-je à ce point énervé ? La peur de faillir et de me faire licencier avant de toucher le salaire promis ? Après tout, personne ne pourrait me reprocher d’avoir fait de travers une mission dont on ne m’avait rien dit. Mon regard parcourut le lieu. Il faisait sombre dans ce hall de quelques mètres carrés, séparé du reste du musée par un grand rideau de velours bordeaux – ou peut-être violet ? Le faible halo du bloc secours ne me permettait pas de le déterminer. Je supposais qu’il me fallait passer de l’autre côté pour trouver le musée, probablement par un des bords du rideau. Incertitudes, incertitudes ! Que faisais-je ici ? Le salaire, oui, le salaire ! Et voilà que je me mettais à penser les mots deux fois.

Je m’approchai. Le silence ambiant m’apaisa progressivement. Les muscles de mon dos se relâchèrent, ma nuque s’assouplit. La curiosité l’emporta sur l’agacement dû à la bizarrerie de la situation : cet entretien expéditif, cette prise de poste réglée en cinq mots… J’allais commencer par visiter l’endroit, puis je chercherais une cafetière. Diable ! Et s’il n’y en avait pas ? Non, stop ! Plus de questions.

 

Trois pas en avant et un concert de grincements me menèrent derrière le rideau. Le noir le plus total m’enveloppa. J’espérais que mes yeux s’habitueraient à l’obscurité, en vain. De toutes mes forces, je tirai sur le rideau à la lourdeur surprenante. Il ne s’ouvrit qu’à peine, et je le coinçai en m’y appuyant de tout mon poids. La faible clarté qui se glissa par la brèche fut aussitôt avalée par les ténèbres. Peine perdue. Mon moral baissait en flèche. Ce travail dépassait mon entendement. Il n’y avait rien de normal, bon sang !

Mes grognements résonnèrent dans le noir, et je frissonnai. Pour un peu, j’allais m’effrayer moi-même ! Du calme, Dimitri, du calme !

— Voilà que je recommence à penser deux fois le même mot ! m’exclamai-je. Rhaa ! Et puis je parle tout seul !

 

Je tendis bientôt les bras à la recherche du mur le plus proche. Il devait y avoir un interrupteur quelque part qui porterait bien son nom puisqu’il interromprait enfin toute cette mascarade ! Du moins espérais-je que la lumière révélerait un musée anodin dans lequel déambuler nonchalamment jusqu’au lendemain matin. Je tâtonnai de longues minutes, avançant à petits pas le long d’une paroi. Les caresses que je prodiguais à sa surface lisse ne rencontraient pas le commutateur tant espéré. Je commençais à me résigner et à faire demi-tour pour quitter ce lieu insensé quand enfin ma main palpa une forme. Un bouton ! Je l’actionnai sans hésiter.

Clac !

Quatre projecteurs m’éblouirent subitement. Je papillonnai des paupières, et entre deux battements, j’aperçus l’œuvre, gigantesque, occupant tout le mur qui me faisait face. Un tableau effrayant, souligné par son nom : « LE DIABLE ». Mon corps se pétrifia, glacé par cette vision. J’allais de surprise en surprise. Mauvaises, les surprises.

Je me trouvais dans une pièce somme toute assez petite, sans issue ni ouverture. Ah ! Comme la vue d’une simple fenêtre m’aurait rasséréné ! Mais non. Le rideau, deux murs blancs et vides, un troisième couvert par la peinture de l’Arcane XV et, entre tout cela, un vieux parquet de bois sombre sur lequel se détachait une chaise, unique objet en ce lieu – car ce tableau semblait trop vivant pour qu’on lui donne le nom d’objet.

Mon sang dut affluer jusque dans mon nez puisque son odeur l’envahit, âpre, épaisse, écœurante. J’arpentai la salle pour tenter de me reprendre, mais tournai rapidement en rond du fait de sa taille. Ce musée ne recelait qu’une toile unique, et je m’aperçus bientôt que la chaise positionnée en face de l’œuvre était scellée au sol.

Je m’assis tout d’abord à l’envers, trop intimidé par l’image. L’inconfort eut néanmoins raison de ma pudeur et je m’installai dans le bon sens, les yeux à hauteur du pénis du diable. Je n’osais pas lever le regard de peur de croiser un des deux visages, intenses, de cet être disgracieux. Puis je m’habituai progressivement à sa présence. La nuit serait longue encore, et nous devrions cohabiter. J’entrepris de détailler l’arcane, une façon de la connaître pour en être moins troublé. Voilà que je me comportais avec ce tableau comme avec une personne réelle.

Et pourtant. Un corps bleu comme un noyé tiré d’une mer boréale, des mains et des pieds griffus dotés de longs doigts boudinés. Deux figures dont les langues tendues me semblaient menaçantes, venimeuses peut-être ou collantes à la façon d’un caméléon démoniaque qui dévorerait tout sur son chemin. Non, rien d’humain, moins encore cette paire d’ailes et ce sceptre prêt à s’abattre. Une créature monstrueuse ! Je la devinais puissante, je contemplais sa hauteur et admettais humblement que je n’étais pas de taille à lutter.

Mon rire explosa dans la pièce. Mon propre lyrisme m’avait enfin détendu. Non ! Il n’était pas si terrible, ce diable ! Entre le regard de sa tête – dément – et celui de son ventre – anesthésié, pas de quoi être impressionné. Sa main nous adressait un petit salut, rien de plus, et ses langues nous proposaient amicalement de lécher nos plaies.

Je grimaçai de dégoût, puis m’attardai sur les deux personnages du bas de l’œuvre, sortes de diablotins esclaves attachés par le cou au trône de leur maître. Des hurlements fusèrent soudain au-dessus de ma tête, je bondis sur mes pieds. J’avais levé les bras en réflexe de protection, mais je m’aperçus bientôt que le vacarme venait du toit. Cela tambourinait et des cris bestiaux déchiraient la nuit. Diable ! Ma main se porta à mon cœur qui tapait furieusement. Un feulement résonna encore alors qu’un bruit de tuiles brisées me parvenait du côté gauche.

« Des chats, ce ne sont que des chats », me dis-je.

— Eh merde, j’ai encore pensé le même mot deux fois ! Deux fois ! Rhaaa ! Et je continue ! Que cette nuit finisse, merde !

Je décidai de m’asseoir par terre, dans un coin, genoux relevés et tête enfouie dedans. Le temps déroula son fil de la façon la plus lente qui puisse être. Parfois l’image du diable m’apparaissait malgré mes paupières fermées. Ses deux seins comme des oranges, ses genoux munis de bouches. Je l’imaginais prendre ma pose, avec ses courtes cuisses et se sucer les tétons.

 

Gustave me réveilla en cognant contre la porte, j’accourus pour ouvrir. De façon extrêmement troublante, il me saisit la main et j’eus la sensation que je ne serais jamais sorti du musée s’il ne l’avait pas fait. Je me retrouvai donc dans la rue, m’apprêtant à assaillir le conservateur de questions, quand il me claqua la porte au nez.

— À ce soir, entendis-je faiblement.

— Mais ! protestai-je. Ouvrez ! Il faut qu’on parle !

La poignée refusait de tourner, Gustave m’ignorait ! Et les visiteurs ? Pourquoi n’ouvrait-il pas ? Je cherchai en vain une pancarte indiquant les horaires d’ouverture, puis je criai de nouveau le nom de mon étrange collègue :

— Gustave ! Gustave !

Que lui aurais-je dit, au fond ? De laisser la lumière, cette fois, peut-être ? Une immense lassitude m’envahit. Une lourdeur m’attirait au sol et me donnait envie de passer sous le goudron pour m’y ensevelir. Je touchai brusquement mes genoux, persuadé qu’ils coulaient comme fontaine. Mais non. Rien. J’allais rentrer chez moi me doucher. Et je me sentirais mieux ensuite. C’était certain.

 

Qu’est-ce qui me poussa à retourner dans ce musée de malheur ce soir-là ? L’argent, bien sûr, l’argent. Je bénéficiais toutefois d’un avantage certain sur la dernière fois : je connaissais les lieux et leurs surprises. Armé d’un grand classique de la littérature, je comptais bien passer la nuit sans en lever les yeux. Je m’installai à cet effet sur l’unique chaise du lieu, puis entamai la préface.

Le parquet craqua. Je jurais pourtant ne pas avoir bougé d’un poil et parcourus rapidement la pièce du regard. Rien. Si, un souffle. Une vague de chaleur me submergea, des gouttes de sueur perlèrent de mes mains, tachant les fines pages du livre de poche. Je me mis aussitôt à trembler. Un froid mordant m’enveloppa alors que mon corps me brûlait. Et ma gorge ! Serrée, étranglée par le cri qui voulait s’en échapper. Je manquais d’air. Une pression sous mon menton dirigea violemment ma tête, je fis face au démon et à ses acolytes qui se tordaient de rire à mes dépens. Mes prunelles croisèrent celles du diable qui louchait, mais ne m’en transperçait pas moins de son œillade moqueuse. Tout s’arrêta.

Je me redressai brusquement, respirant enfin. Je palpai mes bras, mon ventre, mes cuisses, qui avaient recouvré leur température normale.

— Tout va bien, lançai-je à haute voix. Tout va bien.

Je soufflai longuement.

— J’ai dû m’assoupir, ce n’était qu’un rêve. C’est cela. Ce n’était qu’un rêve, car je m’étais assoupi. Oui, j’ai dû. C’est cela.

Je touchai mes tempes et observai le vide, comme si ce geste me permettrait de voir ce qui se passait dans ma tête, de vérifier que je ne devenais pas… fou ? Dément à mon tour ? Comme ce tableau.

Le reste de la nuit se déroula sans événement majeur. Ma lecture se figeait à chaque paragraphe, interrompue par une nouvelle question que je ne pouvais retenir. Le tableau était-il vivant ? Le diable était-il réel ? Avait-il été vexé de me voir entrer sans un regard à son égard ? Avait-on jamais vu un musée ne contenant qu’une seule toile ? Je chassais l’interrogation jusqu’à la suivante, quelques lignes plus tard.

Les chats ne se battirent pas.

 

J’avais déduit de ma courte entrevue avec Gustave – « à demain soir », avait-il dit – que j’étais en congé le troisième jour. Cette pause me fut salutaire, et je tentai de la passer sans songer à mon déroutant emploi. Épuisé, je ne pus m’empêcher de dormir le matin et ne trouvai pas le sommeil cette nuit-là. Mes résolutions s’envolèrent alors que l’ennui me tenaillait. Bien calé dans mon lit, je visualisai l’arcane. Qui étaient les deux créatures aux pieds du diable ? Leurs figures n’exprimaient ni peur ni colère. Et que cachaient leurs mains dans le dos ? Ce pouvaient être des liens, un couteau prêt à tuer, un trésor précieux. Quant à leurs queues, semblables aux cordes qui les enchaînaient, l’œuvre ne laissait pas voir leurs fins. Qu’y avait-il, au bout ? Qu’y a-t-il toujours, au bout ? Mes pupilles se dilataient, mes yeux séchaient jusqu’à me piquer puis se remplissaient de larmes qui débordaient, acides, brûlant la chair de mes joues. Je sentis de nouveau le sang affluer dans mon nez. L’évidence s’imposa à moi : la réponse se trouvait dans ce qui ne se voyait pas. Il y avait une autre réalité, en dehors de la vision primaire. Je pleurai du sang jusqu’au moment de retourner au musée. Cela m’affaiblit beaucoup, mais j’avais compris.

 

Pour la troisième fois, je pénétrai dans le Musée de l’Arcane XV à l’aide de Gustave et de sa poignée de main. Mon apparence ne sembla pas le choquer malgré les sillons rouges qui tachaient mes vêtements. Pas le temps de lui parler : je me précipitai dans la salle et actionnai l’interrupteur. Le Diable apparut dans toute sa splendeur. Quel soulagement de le revoir ! Je perçus nettement son approbation quand je m’agenouillai au plus près de la toile pour mieux la détailler. C’était mon rôle de gardien : connaître sur le bout des doigts cette œuvre dont j’assurai la protection. M’assurer chaque nuit que chaque ligne, chaque couleur, chaque orteil était à sa place. Un frisson de plaisir me parcourut de bas en haut. Je me sentais enfin important.

Vers quatre heures du matin, un sévère engourdissement des genoux me fit soudain prendre conscience que je n’avais pas quitté ma contemplation depuis mon arrivée. Je croisai le regard ventral du Diable et mes entrailles se tordirent aussitôt. Son mépris transparaissait. Avais-je été décevant, oui, décevant ? Incapable de profiter de ce qu’on m’accordait ? Anéanti par ma médiocrité, je rampai en arrière pour rejoindre la chaise. Mes yeux se mirent à pleurer d’appartenir à un être aussi pitoyable. Leurs larmes sanglantes se répandirent sur le parquet en perles rouge sombre.

« Il me faudra tout nettoyer avant l’arrivée de Gustave, pensai-je en m’installant sur la chaise. Tout nettoyer, oui. Comme je suis sale et misérable. Misérable et sale. »

Un cri vif m’échappa. Un clou sur le siège venait de me blesser le fessier. Dans un soubresaut sagace, je sus qu’il me fallait fuir. Quitter ce lieu en urgence et ne jamais y revenir. Rompre mon contrat dès le matin. Mes yeux se révulsèrent. Un lien m’étranglait. Depuis quand enserrait-il mon cou ? Aveugle, je cherchai de la main une paire de ciseaux pour couper le cordon orangé qui me reliait au trône du Diable. Rien, du vide. Que du rien, que du vide. Et d’ailleurs dans les subites palpations frénétiques de ma gorge, je m’aperçus qu’aucun collier ne se trouvait là. Aucun. Disparu. Plus là, disparu.

— Aaaah ! hurlai-je en me levant. Ces mots en doubles ! Ces mots ! Que ça s’arrête !

Je me figeai alors dans la stupéfaction la plus totale. Les deux esclaves démoniaques descendaient du tableau en me lançant des œillades moqueuses. Leurs queues et leurs liens s’allongeaient en harmonie avec leurs déplacements. Une par une, ils gobèrent les larmes-perles de sang que j’avais déversées sur le sol. Ils les coinçaient entre leurs crocs tout en m’adressant un rictus dément, puis les broyaient d’un coup sec. Le sang giclait partout dans leur bouche, et le Diable les félicitait d’une pensée épaisse. Épaisse, oui, au point qu’elle résonnait dans tout le musée. De l’amour ! De l’affection ! Oui, de l’amour ! Quelle beauté, cette affection !

Je me rassis, fasciné et abasourdi. La douleur me devint inconnue.

 

Qui pourrait dire ce qui se passa durant le jour qui suivit, avant ma quatrième venue au Musée de l’Arcane XV ? Qui ? Je ne me souvins pas d’être parti ni d’être revenu et pourtant je me trouvai une fois de plus devant l’entrée, à l’heure de prendre mon service. Gustave avait les yeux du ventre et j’évitai son regard. De toute façon, l’urgence de pénétrer dans le musée primait, aussi je courus derrière le rideau dès que sa poigne me libéra.

L’obscurité ne m’avait jamais paru aussi claire, pas besoin d’allumer. Je vibrai, une exquise frénésie m’habitait. Mes chaussures volèrent, j’entrepris d’arracher mes vêtements. Tous.

Alors je m’approchai respectueusement de mon Maître et me positionnai à ses pieds. Dos cambré, mains croisées derrière le dos. Du bout de l’index, je pouvais toucher la naissance de ma longue queue orangée.