Le mot

Arthur attend, Clémentine arrive.

CLÉMENTINE : Arthur, il faut que tu m’aides !

ARTHUR : Qu’est-ce qui t’arrive, Clémentine ?

CLÉMENTINE : C’est terrible !

ARTHUR : Ah ?

CLÉMENTINE : Horrible !

ARTHUR : Oh ?

CLÉMENTINE : Affreux !

ARTHUR : Mais quoi à la fin ?!

CLÉMENTINE : J’ai perdu un mot.

ARTHUR : C’est tout ? Ce n’est pas grave de perdre un mot !

CLÉMENTINE : Mais si ! Toute ma vie dépend de celui-ci !

ARTHUR éberlué : Comment est-ce possible ?

CLÉMENTINE : C’est simple, c’est le nom du métier que je veux faire dans la vie. Si je n’arrive pas à m’en souvenir, je ne pourrais jamais le devenir !

ARTHUR : Tu serais obligée de faire autre chose en attendant de te le rappeler…

CLÉMENTINE : Et si ça ne me revient que quand je serai une vieille mémé, il sera trop tard !

ARTHUR : Ce serait trop triste ! Vite, dis-moi ce que c’est !

CLÉMENTINE : Quoi donc ?

ARTHUR : Eh bien le nom du métier que tu veux faire !

CLÉMENTINE s’énervant : Mais je ne m’en souviens pas, je te dis !

ARTHUR : Ah oui, zut. Pompier, alors ! Je te verrais bien pompier ! Tu t’habilles souvent en rouge.

CLÉMENTINE : N’importe quoi ! J’ai le vertige, comment je ferais en haut de la grande échelle ?

ARTHUR : Libraire alors ? Tu as toujours le nez dans un livre.

CLÉMENTINE : Pas du tout ! Il faut compter pour vendre des choses, et les maths m’ennuient…

Arthur réfléchit.

ARTHUR : Je sais ! Tu vas me mimer ton futur métier, et moi je vais retrouver le mot !

CLÉMENTINE : Oh oui ! Enfin une bonne idée ! Alors, tu es prêt ?

Arthur fait signe que oui. Clémentine mime qu’elle plante une graine, qu’une fleur pousse et qu’elle la cueille, puis elle danse, elle fait un câlin à du vide, rit, mange quelque chose de bon… Pendant ce temps, Arthur propose :

ARTHUR : Euh, jardinière ? Danseuse ? Clown ? Cuisinière ?

Clémentine baisse les bras, déçue.

CLÉMENTINE : Non, ce n’est rien de tout cela !

ARTHUR rêveur : Rhoo dis donc, il a l’air drôlement bien ton métier. Moi aussi je veux le même !

CLÉMENTINE : Mais si on ne se rappelle pas le mot, on ne pourra pas dire aux adultes qu’on veut être ça !

ARTHUR : C’est terrible !

CLÉMENTINE : Horrible !

ARTHUR : Affreux ! Tu ne te souviens de rien ? Même pas la première lettre ?

CLÉMENTINE : Je sais juste que ça finit en euse, comme beaucoup de métiers.

ARTHUR : Ça ne nous aide pas vraiment. Je sais ! Est-ce que tu connais un adulte qui fait ce travail ? On va aller lui demander le nom de ce qu’il fait !

CLÉMENTINE : Non, je n’en ai jamais vu…

ARTHUR : Bizarre.

CLÉMENTINE : Attends, je crois que j’ai un mime qui me vient !

Clémentine mime une horloge en faisant les aiguilles avec ses bras et tic-tac avec la tête.

ARTHUR : Hmm, horloger ?

CLÉMENTINE : Non, ce n’est pas ça, mais ça ressemble un peu.

Arthur réfléchit en se tenant le menton, fait les cent pas.

ARTHUR : Et ça finit en euse…

CLÉMENTINE : Oui ! Et je veux être ça le plus clair de mon temps dans la vie. Huit heures par jour ! Cinq jours sur sept ! Je suis même prête à faire des heures supplémentaires !

Arthur réfléchit encore, se fige subitement.

ARTHUR : J’ai compris ! (il sourit), Mais ce n’est pas un métier, ça, Clémentine !

CLÉMENTINE : Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est ? Dis-moi le mot !

ARTHUR : Tu veux être heure-euse !

CLÉMENTINE : C’est ça ! Heureuse ! Tu as trouvé !!! Et pourquoi ce ne serait pas un métier ?

ARTHUR : Je ne sais pas. C’est un truc qui vient en plus, c’est pas le but du travail.

CLÉMENTINE : Et pourquoi ne pas faire l’inverse ? Avoir pour but d’être heureux et que le travail soit un truc qui vient en plus ?

ARTHUR : On n’arriverait peut-être pas à faire tout ce qu’il y a à faire d’important ?

CLÉMENTINE : Tu crois ?

ARTHUR : Pas sûr.

CLÉMENTINE : Viens, alors. Essayons d’être heureux !

Ils partent en dansant.