Depuis que j’ai regardé là

Depuis que j’ai regardé là, j’ai du bric-à-brac dans le ventre, ça pétille ou ça crépite je sais pas trop. Ou bien c’est peut-être juste une crampe qui appuie sur un machin à la noix puisque ça me fout des images sous les paupières ? C’est comme ça les corps : l’orteil se cogne et c’est les yeux qui pleurent, le nez respire de la pourriture et l’estomac se crispe, les yeux voient un truc qu’i faut pas et on a mal au cœur. Ça vient des nerfs tout ça, il paraît. Un méli-mélo de câbles emmêlés pire que les idées dans ma tête, et quand on tire d’un côté ça remonte jusqu’à l’autre bout. Je dois donc avoir le bric-à-brac qui bouscule le méli-mélo. Depuis que j’ai regardé là, j’ai dix vagues dans la caboche et le sourire indépendant. C’est doux, les nuages pleuvent des plumes, et ça fait comme les monstres pour les enfants ou les adultes qui grandissent pas : dès que je ferme les yeux c’est là, devant moi, partout. Un mirage installé dans mon paysage. Une de ces bougies qu’on ne peut pas éteindre sans la noyer. Du brouillard qui pose un léger voile sur son passage. Le souvenir de ton regard quand je l’ai croisé. Depuis que j’ai regardé là, j’ai du bric-à-brac dans le ventre, ça pétille ou ça crépite je sais pas trop. Ou bien c’est peut-être juste une crampe qui appuie sur un machin à la noix puisque ça me fout des images sous les paupières ? Le souvenir de ton regard.

Le souvenir de ton regard. Ça pince ça griffe ça lasse quand rien ne se passe. Puis mes ailes ont pris feu, et j’ai sorti mon arc pour tirer mes plumes sur le temps perdu. J’ai brûlé à en devenir étoile, j’ai valdingué jusque dans le vide de l’univers et je suis restée sidérée. Il y a là tous les possibles qui n’ont pas été choisis, tous les conditionnels abandonnés, tous les vœux jamais exaucés. Ton regard partout avec son étincelle quand il croise le mien. J’ai arraché mes dernières plumes incandescentes pour te crever les yeux et lacérer l’inaccompli, mais mes gestes se sont égarés avec les hypothèses. Effondrées les intentions, dispersées les cendres, et je me suis encore, toujours, éternellement résolue à attendre. Mais en retombant au sol, j’ai vu que tout avait brûlé.